À l’occasion de la journée mondiale Alzheimer (21 septembre 2018), nous sommes allés à la rencontre du Professeur Marie Sarazin, responsable de l’unité de neurologie de la mémoire et du langage au Centre-Hospitalier Sainte Anne, pour faire le point sur cette pathologie face aux nombreuses idées reçues.
Aujourd’hui, plus de 800 000 personnes sont touchées en France par une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée et 3 millions de personnes sont concernées, ce chiffre englobant aussi bien les malades que les aidants.
Alzheimer, entre perception et ressenti
L’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui se caractérise par la présence d’agrégats de protéines bêta-amyloïdes et tau, qui s’accumulent pendant 10 à 20 ans avant les premiers troubles cognitifs et la dégénérescence des neurones. C’est à partir de la topographie des lésions de la protéine tau que l’on définit la forme de la maladie. Celle-ci peut être typique : avec une amnésie progressive ; ou atypique, manifestée par un trouble du langage et/ou visuel, sans amnésie.
Cette pathologie ne concerne pas uniquement les personnes âgées. En effet, un nombre significatif de personnes est atteint avant l’âge de 60 ans. La maladie évolue d’ailleurs plus rapidement dans ce cas de figure.
Le symptôme le plus courant se traduit par une difficulté d’enregistrer une information, soit une amnésie progressive. La personne peut être amenée à répéter plusieurs fois la même question, non pas de manière automatique, mais parce qu’elle recherche une réponse tout en ayant échoué à retenir celle qu’on lui a déjà donnée. La maladie peut aussi se traduire par un changement de comportement : les personnes se sentent plus vulnérables, plus fragiles, se replient sur elles-mêmes, autant de signaux qui miment ceux de la dépression. Les lésions de la maladie peuvent progresser dans le temps jusqu’à une perte d’autonomie du sujet.
Les régions motrices primaires d’une personne atteinte d’Alzheimer sont préservées comme le sens du toucher, du chaud/froid, de la douleur et de la force musculaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes touchées par la maladie peuvent marcher longtemps : elles sont en errance (et non en fugue, comme on le dit parfois à tort). En revanche, elles rencontrent des difficultés à s’exprimer, qui peuvent conduire à des cris et à de l’agitation. Pour ces personnes, la capacité à ressentir est intacte et comme le souligne le Professeur Sarazin : « Lorsque que l’on prend du temps avec un patient, il peut exprimer sa douleur intérieure. Cela est très important dans la prise en charge. »
Vivre avec la maladie d’Alzheimer : c’est possible !
Au sein de l’unité de neurologie de la mémoire et du langage, le patient bénéficie d’une prise en charge individualisée grâce au médecin référent du service et à l’équipe de l’hôpital de jour pluridisciplinaire. Celle-ci est composée de 4 neurologues (1 PUPH, 2 praticiens hospitaliers et 1 un chef de clinique nouvellement recruté), un interne, un assistant social, des neuropsychologues/psychologues (3,5 TP), une infirmière et un aide-soignant, et une secrétaire.
Le service du Professeur Sarazin a une activité ambulatoire (consultations et hospitalisations de jour). Les premiers rendez-vous sont donnés après la réception d’un courrier du médecin, afin d’adapter individuellement les délais d’attente à la situation clinique. Le diagnostic est posé après un bilan complet, qui peut comporter un bilan sanguin, une évaluation neuropsychologique, un EEG, une IRM cérébrale, une TEP au FDG, une ponction lombaire… Parfois le diagnostic reste incertain et sera alors précisé dans le temps. Comme évoqué précédemment, les formes de la maladie sont hétérogènes, certaines dégénérescences sont plus rapides que d’autres et leur issue n’est pas toujours prédictible. Il est essentiel de rencontrer une personne dès qu’elle présente les premiers signes afin d’anticiper les difficultés, d’aider, d’accompagner et de pouvoir proposer un traitement médical adapté. Enfin, la mise en place d’un accompagnement personnalisé et au plus près des souhaits du sujet et de son entourage familial diminue les risques d’errance médicale, financière ou d’abus de confiance.
L’équipe médicale travaille au quotidien en collaboration avec tous les réseaux de proximité : médecin généraliste, neurologue de ville, équipes mobiles spécialisées Alzheimer (ESA), CLIC (Centre Local d’Information et de Coordination Gérontologique), centre d’accueil de jour, France Alzheimer, Fondation UTB. L’objectif de cette prise en charge est d’assurer au patient une autonomie, aussi longtemps que possible et de soutenir l’entourage.
Le service traite toutes les maladies neurodégénératives : maladies d’Alzheimer, DFT (Dégénérescences Fronto-Temporales), les démences rares (maladies neurologiques cognitives mais auto-immunes,) les maladies vasculaires, les maladies génétiques. Concernant les maladies rares, l’équipe soignante travaille en collaboration avec l’Hôpital Universitaire Pitié Salpêtrière. Le service est reconnu comme centre de compétence en Alzheimer jeune et démences rares.
Le point sur la recherche
Le Pr Sarazin et le Dr Julien Lagarde sont attachés à l’équipe Inserm NIP (Neuroimagerie phamacologique, service hospitalier Frédéric Joliot à Orsay). Le Pr. Sarazin est coordinatrice principale de l’étude Imabio3 et Shatau7-Imatau (PHRC nationaux). Ces travaux sont menés en collaboration avec les équipes de chercheurs en imagerie par TEP du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique à Orsay), des chercheurs en immunologie du Centre de recherche de l’hôpital St Antoine, La Fondation Lejeune, et l’Institut de la vision. Ces travaux visent à mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de la maladie d’Alzheimer et des DLFT.