L’usage de drogues est-il réductible à la toxicomanie ? La complexité de ce phénomène n’a pas échappé à Freud selon qui « l’action des stupéfiants, dans le combat pour le bonheur et pour tenir la détresse à distance, est estimée comme un bienfait au point qu’individus et peuples lui ont ménagé un poste de fixe dans leur économie libidinale ». Mais pour constant que soit le recours à la drogue d’une civilisation à l’autre, l’histoire et la littérature nous apprennent que ses modes d’usage n’échappent pas à l’influence du contexte culturel et sociétal. Or si l’on ne se drogue pas aujourd’hui comme autrefois, les usages de stupéfiants ne sont-ils pas susceptibles de nous enseigner quelque chose de l’état du vivre-ensemble dans la cité ? Les « scènes ouvertes » de consommation, à la manière d’un retour du refoulé, mettent ainsi au jour ce à quoi le social reste sourd : leur apparente altérité nous tend alors un miroir de nos sociétés.
Les usages de la drogue ne renvoient pas simplement à des variétés de « toxicomanie », c’est-à-dire aux diverses formes d’une compulsion à s’intoxiquer. Ils permettent également à ses usagers tantôt de se « maintenir à distance de la misère », tantôt de bricoler de nouvelles formules du vivre-ensemble, tantôt d’essayer d’élaborer des solutions alternatives à des désordres pathologiques. C’est en ce sens que l’aborderons lors de ces rencontres : en tant que modalité du « traitement de soi ».
Les cliniciens exerçant dans les dispositifs de prise en charge destinés aux « usagers » de drogue ne sont d’ailleurs pas sans savoir que si le sevrage est demandé, il ne l’est pas toujours dans son intégralité. Les patients sont en effet les premiers à nous demander de ne pas recourir à des normes rigides ou à des prescriptions de modes d’usage ou d’abstinence.
L’ensemble de toutes ces questions que pose le sujet lorsqu’il traite, à son insu, une impasse psychique impossible à dire invite cliniciens et chercheurs, notamment de La Terrasse et de l’UFR d’études psychanalytiques, à interroger l’usage de drogues de façon pluridisciplinaire, d’un point de vue psychanalytique, psychiatrique, anthropologique, sociologique, historique, politique, en tenant compte des re- configurations du lien du sujet au social.
Comité d’organisation : Lorenza Biancarelli, Yorgos Dimitriadis, Christian Hoffmann, Jacques Jungman, Thierry Lamote, Thatyana Pitavy, Didier Sabatier, Laure Westphal.